L’immobilier va-t-il retrouver la croissance ?
Les Français ont repris en main leurs projets immobiliers, d’après le site Meilleurtaux.com. Mais le contexte économique et social à venir pèse lourd sur les conditions à venir de financement et la solvabilité des ménages.
Les prémisses de la reprise sont là, mais les conditions pour son futur déploiement, loin d’être garanties… Le 3 juin,lors d’une conférence de presse en ligne intitulée «immobilier : vraie reprise ou trompe l’œil», l’équipe de Meilleurtaux.com, site comparatif de taux immobiliers, crédits et assurances, présentait son analyse de la situation actuelle.
Premier constat, note Hervé Hatt, Président de Meilleurtaux.com, «on aurait pu penser que les gens resteraient extrêmement prudents. Or, depuis le 11 mai, on constate un retour très net des intentions d’achat (…). Ces demandes sont présentes sur l’ensemble du territoire». Chez le comparateur de taux, en mai, 40 962 dossiers ont été déposés, après «l’effondrement» du mois de mars (32 946 dossiers). Tout en restant très en dessous des chiffres de l’année précédente (56 062), les données d’avril constituent un indice de redémarrage. «Pour beaucoup de Français, le confinement a constitué une parenthèse et ils sont désireux de revenir à leurs projets», poursuit Hervé Hatt. Une analyse confortée par le profil des emprunteurs. «Aujourd’hui, ce sont exactement les mêmes emprunteurs, avec les mêmes projets et les mêmes revenus qu’auparavant », précise Maël Bernier, directrice de la communication de Meilleurtaux.com.
Concrètement, l’emprunteur post-confinement a, en moyenne, 35,8 ans, et 4 429 euros de revenus mensuels (par ménage). Le type de bien qu’il recherche est dans 51% des cas une maison, dans 41% un appartement, dans 6% , une maison individuelle avec un terrain et dans 2% des cas, un immeuble. Du point de vue financier, le montant moyen de la transaction s’élève à 265 000 euros, avec un apport de 40 000 euros, et un prêt de 225 000 euros. Seul changement constaté, une très légère évolution de la répartition géographique des demandes : elles diminuent en l’Île-de-France et en Occitanie. Elles sont en hausse en Normandie, Provence- Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhone-Alpes. Mais ces variations demeurent extrêmement limitées.
Les conditions de financement se resserrent
Alors, qu’en est-il de la vague annoncée, après l’expérience du confinement, des départs des Français des métropoles, pour des villes ou des campagnes qui offrent un autre style de vie ? «Il faudra sans doute attendre une bonne partie de l’été avant de voir se profiler cet éventuel basculement vers d’autres types d’habitations. Il faut d’abord que les gens cherchent, visitent, avant que cela donne lieu à un projet», tempère Hervé Hatt.
Une autre tendance, en revanche, est déjà perceptible sur le marché : celle du resserrement probable des conditions de financement des projets . En matière de taux d’intérêt, ceux «excellents» remontent assez nettement. «Le régime de la décote, la grande braderie des taux est terminée», prévient Maëlle Bernier. Les meilleurs dossiers peuvent désormais obtenir des taux à hauteur de 1,15, ou 1,20 %, mais plus 0,90%, comme par le passé. Les barèmes moyens, eux, n’ont augmenté pour l’instant que très légèrement, quelle que soit la durée du prêt, pour atteindre un maximum de 1,59%.
Parmi les autres paramètres qui concourent à définir les conditions de financement, la baisse du taux d’usure pourrait engendrer un «blocage un peu mécanique» des prêts, redoute Hervé Hatt. A cela s’ajoute une probable prudence accrue des banques, préoccupées par le contexte prévisible de chômage de masse. Les établissements pourraient s’en tenir à une application très stricte des critères du HCSF, Haut conseil de stabilité financière. Fin 2019, ce dernier a émis des recommandations pour éviter la surchauffe dans la distribution du crédit aux particuliers. Au total, cette conjonction nouvelle de facteurs pourraient rendre inaccessibles des prêts à de nouveaux emprunteurs potentiels. Certains, d’ailleurs, n’auront plus les moyens de se lancer dans des projets immobiliers… Autre élément d’incertitude soulevé par Hervé Hatt, concernant la reprise du marché : pour les Français qui disposent d’une épargne de précaution, l’immobilier va-t-il faire office de placement, comme valeur refuge ?
Ils veulent changer de vie
Le confinement aurait modifié les projets immobiliers des Français, d’après une enquête réalisée en mai par SeLoger. Perspective de télétravail oblige, les futurs acquéreurs sont 53% à considérer l’accès Internet une priorité, et 24% à vouloir une pièce isolée pour ne pas être dérangés. 47 % des futurs acheteurs ont opté pour une maison et 27 % seulement, pour un appartement. 38 % des Français étendent ou déportent leur zone de recherche, en s’éloignant des grandes villes pour chercher des logements avec plus d’espace (intérieur et extérieur).
Anne DAUBREE