Quand l’économie chinoise se grippe…
L’épidémie de coronavirus pèse lourdement sur l’économie chinoise et, par ricochet, sur le commerce mondial. Et, au-delà de ce grave problème conjoncturel, la Chine fait aussi face à des problèmes structurels importants…
Le Wuhan, capitale de la province du Hubei, est une ville industrielle de près de 9 millions de personnes intra-muros. De très nombreuses sociétés automobiles (PSA Peugeot Citroën, Renault, Dongfeng Motor Corporation…) y font fabriquer et assembler des pièces, profitant d’un réseau de transports très développé qui relie cette province aux autres grandes villes du pays. Mais l’économie florissante de cette métropole a subi un coup d’arrêt net avec le déclenchement de l’épidémie de coronavirus (Covid-19) dont elle a été l’épicentre. Depuis, de nombreux habitants vivent cloîtrés chez eux, à défaut d’avoir fui, les usines ont réduit leur cadence quand elles n’ont pas tout simplement arrêté leur production, et le système de santé est à l’évidence dépassé par l’afflux des personnes malades.
L’économie chinoise au ralenti
C’est désormais tout le pays qui vit au ralenti, et ce ne sont pas le limogeage du secrétaire du PCC (Parti communiste chinois) à Wuhan et le changement de thermomètre pour identifier les personnes malades, qui amélioreront la situation. Bien au contraire, ces maigres viatiques conjugués à la construction expresse d’un hôpital de fortune en seulement dix jours achèvent de démontrer que les autorités chinoises sont dépassées par les événements.
Les restrictions de déplacement et les mises en quarantaine dans de nombreuses provinces désorganisent l’approvisionnement des usines, dans un pays où l’industrie représente toujours 40 % de la valeur ajoutée. Quant à la consommation intérieure, dont le poids dans le PIB a beaucoup augmenté en deux décennies, elle subit un ralentissement important, qui pourrait peser très lourdement sur la croissance si l’épidémie n’est pas très vite maîtrisée.
En tout état de cause, il est désormais probable que les conséquences de l’épidémie de coronavirus se feront sentir durant tout ce premier semestre et l’on évoque déjà une croissance en Chine de seulement 4 % pour 2020, c’est-à-dire sous le seuil des 6 % qui permet d’éviter l’effondrement du modèle économique chinois. Face à ce danger, la Banque centrale chinoise a injecté plusieurs centaines de milliards de yuans sur les marchés financiers pour calmer leur volatilité, tout en créant un fonds de 300 milliards de yuans destiné à faciliter les prêts aux entreprises impliquées dans la lutte contre l’épidémie.
Le commerce mondial en berne
Au vu des conséquences économiques et sanitaires en Chine, l’apparition du coronavirus dans d’autres régions du monde suscite des craintes légitimes. À cela s’ajoute un risque patent sur le commerce mondial, d’autant que nombre d’entreprises ont des chaînes de valeur internationalisées. Cette épidémie démontre d’ailleurs la faiblesse d’un tel éclatement mondial du processus productif et peut contribuer à accélérer le retour à des chaînes de valeur régionales, phénomène déjà bien enclenché en raison de la hausse des coûts de production dans les pays émergents, des objectifs climatiques et du retour des politiques protectionnistes.
Contrairement à une idée reçue, le ralentissement du commerce mondial résulte moins des politiques protectionnistes que du recul très important des importations chinoises, résultat du ralentissement de tous les piliers de la demande intérieure de la Chine (consommation des ménages et investissement des entreprises). Un tel freinage du commerce mondial pèse sur les régions les plus ouvertes aux échanges, comme la zone euro (et principalement l’Allemagne) et les États-Unis. À terme, il faut donc s’attendre à une amputation de la croissance européenne, aggravée si l’épidémie persiste. La France, quant à elle, subirait les conséquences de l’effondrement du tourisme, les Chinois étant, de loin, les visiteurs internationaux qui dépensent le plus durant leur séjour en France.
Les problèmes structurels de la Chine
Au-delà de cette épidémie, l’économie chinoise fait face à de nombreux problèmes structurels. Tout d’abord, à l’instar des autres pays développés du monde, elle se transforme en une économie de services. Or, les échanges de services sont de taille beaucoup plus petite que les échanges de biens, d’où le recul des exportations, amplifié par les mesures protectionnistes de Donald Trump. En outre, le freinage de la productivité par tête, conjugué au vieillissement de la population, ne peut que grever la croissance potentielle de la Chine.
Pour faire face à ce ralentissement, Xi Jinping avait annoncé au mois de décembre 2019 une baisse des droits de douane pour soutenir la demande intérieure, un programme pour l’emploi et un plan d’investissement. Hélas, l’épidémie de coronavirus risque désormais de faire chavirer le navire du grand timonier chinois et avec lui l’économie mondiale…
Raphaël DIDIER