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Recyclage des matières plastiques : la France reste à la traîne



En matière de recyclage des matières plastiques, la France est loin d’être bon élève en Europe. Les messages d’avertissement abondent, les annonces de projets industriels se succèdent. Mais les objectifs ne sont pas atteints. La priorité est toujours à la suppression ou réduction des emballages, au tri sélectif et à un meilleur contrôle des filières en place.




© Adobe Stock
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En France, 26,9 % seulement des matières plastiques collectées sont recyclées, ce qui place notre pays en 26ème position sur 30 en Europe, bien loin derrière la Lituanie (69,3 %), les Pays-Bas (52 %)… Pour 2025, la France s’est engagée à recycler 100% des plastiques à usage unique. Or, il existait déjà un objectif similaire pour 2022.

On continue à aligner des objectifs, mais lointains : ainsi, la loi Agec du 10 février 2020 (anti-gaspillage et pour l’économie circulaire) stipule que le pays « se donne pour objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040 ».

Les chiffres donnent le tournis : 368 millions de tonnes de plastique produites en 2019 (source Ademe), soit 70 kg par habitant, ce qui place la France au 3ème rang de l’UE. Or, 32 % terminent enfouis dans des décharges et 12% sont incinérés (donc, émission de CO2). Le problème est mondial, il est vrai. La moitié des matières plastiques produites finit en déchets en moins d'un an. En 2050, 12 milliards de tonnes de plastique joncheront les centres d'enfouissement ; et les océans contiendront plus de déchets plastiques que de poissons. Or, les matières plastiques mettraient plus de quatre siècles à se dégrader en microparticules ingérées par les organismes vivants…

Recyclable ou pas ?

Tous les plastiques ne sont pas recyclables - en paillettes, granulés ou résine. Sur les six principales familles de polymères, seuls les polyéthylènes (téréphtalate PET, haute ou basse densité, PEHD ou LDPE) et les polypropylènes (PP) le sont : les mieux recyclables sont les plastiques blancs, mous, opaques (bouteilles de lait ou de yaourts à boire, gels douche, liquides vaisselle…). Les PVC (polychlorure de vinyle), les polystyrènes, les plastiques cassants, les films et sacs plastiques ne le sont pas…

D’où l’intérêt d’affiner le tri et de bien communiquer - ce que, hélas, ne font pas toutes les collectivités, tandis que d’autres, comme la Vendée, y parviennent (70% des déchets y sont bien triés).

Des filières juteuses

Les filières de recyclage se développent, souvent portées par des groupes ou consortiums issus du secteur des hydrocarbures. Une étude de l’Ademe (novembre 2022) a montré que certaines techniques de recyclage chimique permettent de revenir à des molécules de base, après élimination de certains additifs ; mais le coût énergique serait supérieur au recyclage mécanique… Ici encore, il faut donc évaluer, avec objectivité, les impacts environnementaux sur l’ensemble du cycle de vie, incluant les émissions de gaz à effet de serre. En outre, le prix de ces matières recyclées doit être suffisamment rémunérateur pour le recycleur et pour les industriels qui vont les réutiliser.

Pour avancer, l’Ademe lance des appels à projets (jusqu’en avril 2024) financés, notamment, par le plan France 2030 ; ils visent le « recyclage des plastiques, composites et élastomères depuis le tri jusqu’à l’incorporation de matière recyclée ».

C’est, en effet, à qui fabriquera la plus grande usine, promettant le plus d’emplois d’ici à 2027 ou 2030. Les collectivités - cofinanceurs très engagés - reprennent les promesses : ici production de 70 000 tonnes de plastique PET (100% recyclable), sur le site pétrolier de Carling/Saint-Avold en Moselle, avec un consortium Suez, Loop Industries (Canada) et SK Geo Centric (négociant pétrolier coréen). A la clé, la promesse de « 200 emplois directs et 1 200 indirects » pour près d’un demi-milliard d’investissement.

Il existe déjà des technologies de recyclage par pyrolyse comme chez Hoop (de Versalis, filiale du pétrolier italien ENI, à Dunkerque), également chez Technip Energies, géant du gaz naturel liquéfié (GNL). Ces sociétés ont mis au point des fours d'éthylène et des vapocraqueurs qui, nécessairement, brûlent de l’énergie fossile et émettent du CO2… Elles ne peuvent que promettre « de bonnes performances en termes de rendement, de valorisation et de flexibilité ».

Certains plastiques peuvent être recyclés par enzymes, procédé plus vertueux que par des fours vapocraqueurs. Ainsi le français Carbios a annoncé une « première mondiale » : la capacité de décomposer 50 000 tonnes de déchets par an, à Longlaville (Meurthe-et Moselle) permettant de produire, aux Pays-Bas, 35 000 tonnes de fibres polyester pour emballages d’aliments.

Le poids de l’agroalimentaire

De leur côté, les industriels de l’agroalimentaire poussent leurs pions comme cette idée d’une consigne de bouteille plastique à 20 centimes – tout récemment écartée par le gouvernement, suite au tollé soulevé par des associations comme Amorce (association de collectivités autour des ‘utilities’), le Cercle National du Recyclage (CNR), UFC-Que Choisir, etc. Ce serait, selon eux, créer une filière du tri parallèle, à l’efficacité très incertaine, les industriels ayant intérêt aux non-retours.

Dans les multiples contre-propositions, figurent la distribution en vrac, la multiplication des fontaines à eau dans les lieux publics, le retour à la consigne en verre (efficaces pour les brasseurs de bière), etc. Ces acteurs insistent sur un ensemble de points cruciaux : réduire drastiquement notre consommation de plastique non recyclable, proscrire les doubles emballages et faire ainsi chuter la production. Il faudrait un consensus sur les plastiques non recyclables et les interdire. Et les filières de tri, les éco-organismes devraient être davantage contrôlés.

Enfin, rien n’empêche de soutenir diverses initiatives citoyennes de sensibilisation, comme ces journées de ramassage de déchets, notamment en bordure de littoral - comme, par exemple, celle organisée ce 8 octobre par l’association ‘SOS Laisse de mer’ à Cayeux-sur-Mer (Somme), « une occasion de découvrir des alternatives simples et vertueuses pour réduire nos consommations de plastique ».

Pierre MANGIN