Statut de l’entreprise individuelle : notaires et experts-comptables mettent en garde
La loi de Finances pour 2023 apporte quelques nouveautés en matière de fiscalité d’entreprise. Mais pour le Conseil supérieur du Notariat et l’Ordre des experts-comptables, c’est surtout le statut de l’entreprise individuelle, créé en 2022, qui nécessite de la vigilance.
Les points d’attention ne sont pas tous dans la loi de Finances. Le 5 janvier, à Paris, le Conseil supérieur du Notariat et le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables tenaient leur conférence de presse annuelle consacrée à la « présentation de la loi de Finances 2023 et de l’actualité fiscale ». Cette dernière ne sera pas bouleversée. « Dans ce contexte post-Covid, d’inflation et de guerre en Ukraine, nous nous doutions qu’il n’y aurait pas de révolution fiscale. Dans les grandes lignes, le principe de la loi de Finances est : pas de nouveaux impôts, pas de nouveaux allègements », analyse Jérôme Cesbron, notaire à Grenoble.
Concernant la fiscalité des entreprise, le texte amène toutefois deux nouveautés. La première concerne le taux réduit de l’IS, Impôt sur les sociétés. Celui général, passé à 25 %, continue de cohabiter avec celui réduit à 15 % pour les PME (sous certaines conditions). Jusqu’à présent, ce dernier s’appliquait à une première tranche de bénéfices limitée à 38 120 euros. A partir de 2023, ce plafond est relevé à 42 500 euros. La seconde nouveauté concerne les impôts locaux, dans la poursuite de la logique déjà initiée de leur diminution. La CVAE, Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont la suppression est prévue en 2024, connaît une nouvelle baisse. En 2023, son taux va être divisé par deux, pour atteindre un taux maximal de 0,375 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros. En complément, le dispositif de plafonnement de la CET, Contribution économique territoriale, composée de la CFE, Cotisation foncière des entreprises et de CVAE, est ajusté. En 2023, il est ramené à 1,625 % de la valeur ajoutée contre 2 %, précédemment. Par ailleurs, l’actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels est reportée du 1er janvier 2023 au 1er janvier 2025. « Mathématiquement, il n’y aura pas d’augmentation de la CFE », note Jérôme Cesbron.
Lors de leur présentation qui a balayé plusieurs autres sujets, dont les mesures d’aide prévues pour les entreprises face à la crise énergétique, notaires et experts-comptables ont alerté sur un dispositif déjà existant, mais dont les implications fiscales et patrimoniales complexes promettent d’occuper leurs professions et leurs clients dans les années à venir : le statut juridique de l’entreprise individuelle, créé par la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Il s’applique automatiquement à tout entrepreneur exerçant une activité, remplaçant en quelque sorte le statut de l’EIRL (Entreprise individuelle à responsabilité limitée). Concrètement, ce statut se traduit par la création d’un patrimoine d’affectation qui comprend les biens utiles à l’activité de la société, distinct de celui privé. « Cela a des conséquences qui ne sont pas neutres, notamment sur le plan fiscal », note Jérôme Cesbron. Par exemple, il n’est plus possible de mettre à l’abri son patrimoine immobilier professionnel d’éventuels créanciers. Autre conséquence, le transfert d’un patrimoine dans l’un ou l’autre sens peut déclencher l’imposition de plus-values. C’est le cas, notamment, si un bien immobilier originellement utilisé pour l’exercice professionnel venait à être reconverti à la location.
Le nouveau statut comporte également des spécificités concernant la fiscalité à laquelle sont soumis les revenus de l’entrepreneur lui-même. Par défaut, ce dernier est soumis à l’ IR, Impôt sur le revenu. Toutefois, il lui est possible d’opter pour une solution alternative : assimiler l’entreprise individuelle à une EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée), ce qui entraîne l’assujettissement à l’IS. Paradoxe, «une personne physique peut être soumise à l’impôt sur les sociétés », souligne Jérôme Cesbron. Cette distinction possible impacte la rémunération. Dans le cas de l’IR, l’entrepreneur est imposé sur la totalité du bénéfice de l’entreprise. Dans le cas de l’IS, son statut sera assimilé à celui d’un gérant majoritaire. « Il va devoir arbitrer entre rémunération et distribution de dividendes, avec un risque de remise en cause par l’administration fiscale. Ce choix peut sembler intéressant, mais il mérite une réflexion approfondie, car il est lourd en conséquences », explique Jérôme Cesbron. L’assujettissement à certaines taxes est également fonction de ce choix. Et le moment de la cession de l’entreprise est également impacté par le statut, le TUP, Transfert universel de patrimoine, s’imposant au cédant. C’est ce que précise la dernière loi de Finances sur la fiscalité applicable en matière de droits d’enregistrement.