Numérique

Vers un espace numérique plus sécurisé et plus ouvert à la concurrence

Filtre anti-arnaque, vérificateur d’âge pour les sites pornographiques, possibilité de changer de fournisseur de cloud sans frais de transfert, libre choix de ses outils en ligne, renforcement des moyens pour lutter contre la désinformation… Éclairage sur les principales dispositions du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.

© Adobe Stock
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« Le moment est venu de garantir le respect des droits et des devoirs en ligne et de garantir la cybersécurité de chacun au quotidien », a déclaré le ministre délégué chargé de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, le 10 mai dernier, à l’issue de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dont l’examen au Parlement devrait débuter avant l’été.

Ce texte comprend plusieurs mesures d’adaptation du droit français à deux règlements européens récemment adoptés et qui imposent notamment de nouvelles obligations aux géants du numérique pour rééquilibrer la concurrence sur le marché européen : le règlement sur les services numériques (DSA) et celui sur les marchés numériques (DMA). Il comprend par ailleurs d’autres propositions de réformes, dont certaines sont issues de rapports établis par des parlementaires, pour mieux protéger les internautes contre toutes sortes de dérives.

Filtre anti-arnaque et liberté de choix de ses outils en ligne

Le projet de loi prévoit la mise en place d’un dispositif annoncé depuis plusieurs mois déjà : un filtre anti-arnaque contre les tentatives d’accès aux données personnelles ou bancaires à des fins malveillantes. Un message d’alerte s’affichera lors de la réception d’un SMS ou d’un courriel frauduleux pour avertir le destinataire. Le système sera alimenté par une base rassemblant tous les sites signalés par les victimes aux autorités administratives.

En application des règlements européens, chacun devra pouvoir librement choisir les outils qu’il souhaite utiliser en ligne (moteur de recherche, navigateur, messageries, réseaux sociaux, magasin d’application, places de marché…), lesquels sont souvent imposés par les géants du numériques sur leurs plateformes. Le texte prévoit de leur interdire de privilégier leurs services et de donner aux internautes le droit d’accéder aux données créées par leur propre activité et de les transporter vers une plateforme concurrente.

Pour offrir une plus grande liberté dans le choix d’un cloud (informatique en nuage), il entend interdire la possibilité de facturer des frais de transfert de données lors d’un changement de fournisseur et imposer l’interopérabilité des services de cloud. Il propose aussi d’imposer l’interopérabilité de toutes les messageries, de sorte qu’il ne sera plus nécessaire d’utiliser la même application que ses correspondants – c’est-à-dire, d’installer WhatsApp pour échanger avec un correspondant qui utilise cette application, par exemple.

Lutte contre le cyberharcèlement, la haine et la violence en ligne

Le gouvernement propose des dispositions permettant d’ordonner la suspension des comptes des personnes condamnées pour avoir diffusé la haine et la violence sur un réseau social, et de bannir temporairement des réseaux sociaux les personnes condamnées pour des faits de cyberharcèlement, pédopornographie, négationnisme, apologie du terrorisme ou diffusion d’images violentes.

Pour éviter que des enfants soient exposés à la pornographie en ligne, le texte entend imposer aux sites qui proposent ce type de contenus de mettre en place un vérificateur d’âge fiable et sans fichage, sous peine de lourdes sanctions. Quant aux hébergeurs de contenus pédopornographiques qui ne répondront pas en moins de 24 heures à une demande de retrait présentée par la police ou la gendarmerie, ils seront passibles de peines identiques à celles prévues pour non-retrait d’un contenu à caractère terroriste (un an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende).

Encadrement de la publicité ciblée et de certains jeux en ligne

Conformément au DSA, le projet de loi prévoit des dispositions visant à interdire totalement la publicité ciblée sur les mineurs ou fondée sur des données sensibles (sexe, orientation sexuelle, origine ethnique, conviction politique ou religieuse...). Les sanctions prévues en cas de non-respect de cette interdiction pourront aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial.

Le gouvernement souhaite par ailleurs définir un cadre juridique pour encadrer les jeux numériques fondés sur le web3 qui proposent des objets numériques monétisables (à l’intérieur ou à l’extérieur du jeu). Le texte propose d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances pour créer ce nouveau régime réglementaire, qui doit protéger les utilisateurs sans être un frein à l’innovation pour les entreprises commercialisant ce type de jeux et de places de marchés secondaires.

Et pour faciliter le contrôle des locations touristiques via les plateformes, le projet de loi suggère de créer une sorte de guichet unique, intermédiaire entre les opérateurs numériques et les communes, pour centraliser, standardiser et partager les données liées à l’enregistrement obligatoire des biens loués et au nombre de nuitées autorisées.

Lutter contre la désinformation en ligne

Plusieurs dispositions visent à mettre en place de nouveaux dispositifs pour mieux faire respecter les sanctions internationales prises à l’encontre de médias de propagande. Cela passerait par l’attribution de nouvelles compétences à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pour qu’elle puisse enjoindre à un site Internet de retirer un contenu sanctionné en moins de 72 heures, et à des opérateurs français ou étrangers de bloquer un site pour empêcher la diffusion en France ou sur d’autres territoires.

Enfin, pour lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux, le gouvernement souhaite encourager l’autorégulation, via l’élaboration et l’adoption d’un code de bonnes pratiques par toutes les grandes entreprises du numérique au niveau mondial.