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Zoom sur les perspectives de recrutement en régions en 2030
En mars dernier, France Stratégie et la Dares dressait, dans « Les Métiers en 2030 », un panorama chiffré des perspectives des métiers à l’horizon 2030. Cette fois, les deux institutions ont décliné ce panorama par métier sur les treize régions métropolitaines.
Des déséquilibres potentiels élevés en termes d’emplois, dans les régions côtières de la façade atlantique jusqu’au bassin méditerranéen. C’est ce que révèle la déclinaison régionale de l’étude conjointe menée par la Dares, Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail et France Stratégie. « Les tensions sont significatives, voire très significatives, et vont augmenter d’ici à 2030 sur l’Arc atlantique, les Pays de la Loire, la Nouvelle Aquitaine et la Bretagne », révèle Dorian Roucher, sous-directeur de l'emploi et du marché du travail à la Dares. Ainsi, si au Nord-Est, les régions devraient avoir moins de difficultés de recrutement, d’autres, de la façade atlantique jusqu’au bassin méditerranéen, devraient connaître un déficit potentiel de main-d’œuvre accentué du fait de leurs spécificités économiques et démographiques. La Bretagne, l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Corse, l’Occitanie et les Pays de la Loire vont enregistrer les déficits de main-d’œuvre les plus frappants : entre 6 et 8 %, contre 1 à 3% en Ile-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France et Grand Est. En cause, une dynamique d’emploi qui continuerait de bénéficier aux régions de l’Ouest et du Sud qui regroupe « le U de la croissance ». Ainsi, les régions Occitanie, Corse, Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes Côtes d’Azur (PACA) vont créer davantage d’emplois que les régions Ile-de-France, Hauts-de-France, Normandie, Centre Val-de-Loire, Grand Est ou Bourgogne-Franche-Comté. « Une grande partie de l’Arc atlantique et du Sud tirent la dynamique des créations d’emploi, commente Dorian Roucher. Tandis que dans le quart Nord-Est, on observe une quasi-stabilisation de l’emploi ».
Il faut ajouter à cela de nouveaux flux qui apparaissent, notamment les mobilités entre régions. « Il y a certaines régions que l’on a tendance à quitter et d’autres à rejoindre », poursuit-il. Si ces mobilités semblent favorables à l’Occitanie, la Corse, la Nouvelle-Aquitaine, les Pays de la Loire et la Bretagne, – qui attirent de nombreux actifs en cours de carrière (4 à 6 % de l’emploi local)–, les régions du Sud et de l’Ouest accusent un « déficit d’attractivité pour les jeunes débutants », relève Cédric Audenis, commissaire général adjoint de France Stratégie. A contrario, certaines connaissent plus de départs de fin de carrière des baby-boomers que d’autres. Tel est le cas, par exemple, de la Nouvelle Aquitaine, « la région la plus âgée de France ». Dans ces territoires où le pourcentage de départ de seniors oscille entre 26 et 31 %, les départs ne sont pas compensés par l’arrivée de jeunes débutant dans le monde du travail.
Vivier de jeunes actifs en Ile-de-France
D’autres régions, comme l’Ile-de-France, resteraient « plus attractives pour les jeunes débutants » –ils occupent 31% de l’emploi actuel, contre 23 à 26% dans les autres régions. Cela s’explique à la fois par « la taille du marché du travail et par une forte concentration d’établissements de formation », commente Dorian Roucher. Par ailleurs, c’est une région « jeune avec moins de départs en fin de carrière d’ici 2030 », ajoute-t-il.
En termes de métiers, les besoins en recrutement vont différer selon les régions, avec certaines qui seront plus en tension que d’autres. Par exemple, PACA, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire, du fait du vieillissement progressif de leur population, vont recruter en masse dans les métiers d'aides à domicile, d’assistants maternel, d’infirmiers et d'aides-soignants. Autre métier jugé en tension, ce, quelle que soit la région, les « ingénieurs de l’informatique », dû notamment à de nombreuses créations d’emplois. En Bretagne, l’une des premières régions agricoles de France, les difficultés de recrutement s’aggraveraient essentiellement sur les métiers de l’agriculture. Ces métiers « attirent peu de jeunes et enregistrent beaucoup de départs de fin de carrière », explique Dorian Roucher.
Les métiers qui recruteront le plus
Au niveau national, les dix métiers qui vont le plus recruter, par ordre de besoins décroissants, seront les agents d’entretien, les enseignants, les aides à domicile, les conducteurs de véhicules, les aides-soignants, les cadres administratifs comptables et financiers, les cadres commerciaux et technico-commerciaux, les infirmiers et sages-femmes, les ouvriers qualifiés de la manutention et les ingénieurs informatiques. Dans le détail, les agents d’entretien, les enseignants et les conducteurs de véhicules vont connaître de nombreux départs liés aux fins de carrière. De leur côté, les ingénieurs en informatique (115 000 créations d’ici à 2030, soit une hausse des effectifs de 26%), les métiers de sage-femme et d’infirmiers (113 000 créations d’ici à 2030, soit +18%), d’aides-soignants, de cadres commerciaux, et d’ouvriers qualifiés de la manutention, sont ceux qui vont créer le plus de postes.
Les créations vont donc se faire en majorité dans les métiers qui relèvent de la santé et des services à la personne. C’est ce qu’avait indiqué le rapport de France Stratégie et de la Dares « Les Métiers en 2030 : les créations d’emploi par secteurs et par métiers ». L’objectif de ce rapport prospectif publié en mars 2022 : anticiper les évolutions et besoins par secteur et les déséquilibres potentiels entre offre et demande d’emploi. Dans la plupart des cas (environ 90 %), il s’agit de combler les départs en retraite d’une population vieillissante. Ainsi, ce sont 7,4 millions de personnes qui quitteront leur emploi pour fin de carrière, d’ici à 2030. Cumulé aux créations d’emploi – selon le scénario de référence, un million d’emplois devraient être créés entre 2019 et 2030, dont deux tiers dans les services marchands–, ce sont près de 760 000 postes qui seraient à pourvoir, chaque année, d’ici à 2030.
Charlotte DE SAINTIGNON