Demande de remboursement d’une aide du Fonds de solidarité : des règles existent !

La crise du Covid-19 et les confinements successifs qui avaient plongé nombre d’ entreprises dans de grandes difficultés ont amené l’Etat à créer un « Fonds de solidarité ». L’accès aux aides proposées était conditionné notamment à des critères de perte de chiffre d’affaires. La fin du « quoi qu’il en coûte » se matérialise désormais par des litiges relatifs à des demandes de remboursement. La Cour administrative d’appel de Toulouse vient de rendre une décision importante à ce sujet.

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Critères d’obtention des aides et contrôles administratifs

Le Fonds de solidarité alimenté par l’Etat pendant la Crise du Covid-19 permettait aux DRFIP, Directions régionales des Finances publiques, d’octroyer des subventions aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences administratives de l’épidémie. Les aides financières accordées prenaient la forme de subventions attribuées aux entreprises mentionnées créées après le 1er mars 2019, et ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant les mois de mars, avril et mai 2020, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020.

Le système étant déclaratif, les DRFIP ont la possibilité d’effectuer des contrôles à posteriori.

Aux termes de l'article 3-1 de l‘ordonnance du 25 mars 2020 : « Les aides versées au titre du fonds le sont sur la base d'éléments déclaratifs prévus par décret. (…). Les agents de la Direction générale des Finances publiques peuvent demander à tout bénéficiaire du fonds communication de tout document relatif à son activité, notamment administratif ou comptable, permettant de justifier de son éligibilité et du correct montant de l'aide reçue, pendant cinq années à compter de la date de son versement ». Des contrôles peuvent donc encore avoir lieu aujourd’hui.

Le régime des décisions de la DRFIP

Bien entendu, à l’issue d’un contrôle, si l’administration s’aperçoit que les aides ont été versées à tort, elle demande à les récupérer. En ce sens, l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit que « En cas d'irrégularités constatées (...), les sommes indûment perçues font l'objet d'une récupération, selon les règles et procédures applicables en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine (...) ». Mais le flou persiste sur le régime de ces décisions.

Dans son arrêt du 12 septembre dernier, la Cour d’appel de Toulouse* estime que : « La lettre du 12 mars 2021, intitulée ‘reprise de l'aide de 4 500 euros’ par laquelle le directeur régional des Finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne a indiqué à M. B... que la vérification dont il avait fait l'objet avait révélé qu'il ne remplissait pas l'une des conditions d'éligibilité au fonds de solidarité et en a conclu qu'il avait à tort bénéficié des sommes perçues pour les mois de mars, avril et mai 2020, doit être regardée comme rapportant la décision créatrice de droits révélée par le versement de cette somme ».

Forme et procédure de retrait des aides

Le fait que la Cour estime que ce courrier de la DRFIP doit être considéré comme le retrait d’une décision créatrice de droits entraîne de très importantes conséquences juridiques, et donc pratiques, au bénéfice des entreprises :

Le retrait répond à une logique de motivation spécifique, puisque l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) prévoit que « doivent être motivées les décisions qui : (…) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits », sachant que cette motivation doit, selon l’article L. 211-5 du même code : « être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».

Plus intéressant encore, l’article L. 121-1 du CRPA prévoit que les décisions devant être motivées doivent également faire l’objet d’une procédure contradictoire. Et le contenu de cette procédure spéciale est le suivant : « Les décisions mentionnées à l'article L.211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ».

Enfin, cette décision de retrait de l’aide peut bien entendu faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif. C’est d’ailleurs précisément ce qu’a jugé la Cour de Toulouse : « alors même qu'elle mentionne qu'un titre de perception sera ultérieurement émis à l'encontre de M. B... en vue de son recouvrement, cette lettre constitue une décision susceptible de recours contentieux ».

Notons tout de même que cet arrêt de la Cour d’appel de Toulouse est totalement contradictoire avec un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA de Lyon, 4 juillet 2024, n° 23LY02841, C+). Il reviendra sans doute au Conseil d’Etat de trancher ce point important.

*CAA de Toulouse, 12 septembre2024, n° 23TL00389, C+.