Mobilité

La voiture domine encore les déplacements quotidiens

Malgré les politiques publiques incitant aux mobilités alternatives, les actifs continuent d’emprunter massivement leur voiture pour aller au travail, même pour les courtes distances, annonce l’Insee. Une autre enquête, réalisée en 2020, montre toutefois que cette tendance est en déclin.


Crédit photo : Olivier Razemon pour DSI  Les secteurs populaires sont plus souvent striés par des voies rapides ( ici, à Saint-Étienne)  qui interdisent le passage, à pied, d’un quartier à l’autre.
Crédit photo : Olivier Razemon pour DSI Les secteurs populaires sont plus souvent striés par des voies rapides ( ici, à Saint-Étienne) qui interdisent le passage, à pied, d’un quartier à l’autre.

Les habitudes ont la vie dure. 42% des personnes qui vivent à moins d’un kilomètre de leur travail s’y rendent en voiture, alors que le trajet demande un quart d’heure de marche tout au plus. L’Insee, qui a compilé les résultats des recensements nationaux menés de 2015 à 2020, dans une note consacrée aux déplacements quotidiens, publiée le 19 janvier, tente de trouver des explications. Certains de ces irréductibles automobilistes « ont plusieurs lieux de travail » et exercent sans doute « des activités plus éloignées ». Il s’agit « d’agriculteurs, artisans, commerçants, personnels de service aux particuliers ou professions de santé ». Les autres exercent « peut-être une succession d’activités différentes lors d’un même trajet, par exemple, accompagner des enfants à l’école, avant de se rendre à son lieu de travail », supposent les statisticiens, ou alors leur choix serait mu par « des raisons de santé ou tout simplement l’habitude ».

L’Insee aurait pu également mentionner l’aménagement urbain, ou plutôt son absence, qui décourage les meilleures volontés. Souvent, en-dehors des grands centres urbains, les trottoirs font défaut, et les piétons doivent cheminer le long d’axes routiers et anxiogènes. C’est pour dénoncer cet inconfort que la Fédération française de randonnée et un collectif d’associations représentants les piétons ont lancé le « baromètre des villes marchables », un questionnaire en ligne permettant d’évaluer la place laissée au piéton dans la ville. Environ 30 000 réponses avaient été enregistrées fin janvier, et les organisateurs en espéraient au moins le triple, d’ici le 15 mars.

L’Insee s’est également intéressé aux modes de déplacement principal utilisé en fonction du type d’habitat, du genre ou de la catégorie socio-professionnelle. La voiture est majoritaire partout, mais concentre environ 60% des déplacements dans les pôles urbains denses et 90% dans les secteurs périurbains et ruraux. Lorsque la distance à parcourir est supérieure à 5 km, 80% des trajets se font en voiture. En-dessous de 5 km, l’automobile culmine encore à plus de 60%, à peine concurrencée par la marche (18%), les transports publics (15%) et le vélo (5%).

Les habitudes de mobilité varient au moins autant en fonction de la catégorie sociale. Les agriculteurs, les artisans, et les ouvriers dans une moindre mesure, préfèrent nettement la voiture, et les cadres un peu moins. On peut y voir un effet d’une prise de conscience écologique ou de la nécessité de pratiquer un exercice physique. Mais ces choix résultent aussi de l’urbanisme, qui dessine, dans les centres et les banlieues aisées, une ville moins routière, davantage équipée en trottoirs et en aménagements cyclables. A l’inverse, les secteurs populaires sont plus souvent striés par des voies rapides qui interdisent le passage, à pied, d’un quartier à l’autre.

Les cadres prennent le métro

Contrairement aux idées reçues, ce sont les cadres (22%) qui utilisent le plus les transports en commun, devant les employés (17%) et les ouvriers (11%). Cette tendance peut s’expliquer par la prépondérance des cadres en Ile-de-France, où une part importante des déplacements quotidiens sont effectués en bus, métro et train. Les différences de comportement entre les hommes et les femmes sont remarquables. Ainsi, les femmes sont plus nombreuses dans les transports publics, un peu moins sur les vélos, et empruntent beaucoup moins les deux-roues motorisés que les hommes. L’Insee observe aussi que « les femmes seules avec enfants parcourent des distances plus courtes » et, pour cela, « se déplacent plus souvent à pied ou en transports en commun que les hommes ».

Ainsi, en dépit des politiques publiques qui, à tous les niveaux de décision, cherchent à encourager les modes de transport non polluants et moins encombrants, l’usage de la voiture demeure prépondérant en France, bien davantage que dans de nombreux pays européens. Toutefois, une autre enquête, publiée le même jour que l’étude de l’Insee, montre que la pandémie pourrait avoir des conséquences importantes sur les habitudes de mobilité. Deux sociétés de conseil, Chronos et l’Obsoco ont interrogé 4 500 personnes en octobre 2020, six mois après le début de la crise sanitaire, et quelques jours avant l’annonce du deuxième confinement.

Selon cet « Observatoire des mobilités émergentes », seuls 25% des répondants avaient, alors, repris le cours « normal » de leurs déplacements et les deux-tiers de ceux dont l’activité permet le télétravail continuaient à le pratiquer, d’une manière ou d’une autre. Les modes individuels, voiture, moto, vélo ou marche, séduisent davantage, au détriment des transports publics. Seulement 63% des personnes interrogées admettent « une volonté délibérée d’utiliser les transports collectifs », encore associés au risque de contamination. Les opérateurs affirment pourtant, études à l’appui, que les métros, trains et autres tramways ne représentent qu’une infime partie des « clusters » épidémiques.

A terme, 60% des répondants estiment que les transports collectifs ont davantage d’avenir que les transports individuels, un chiffre en retrait de 9 points par rapport à la même enquête effectuée en 2019. Pour la suite, les utilisateurs parient sur la marche et le vélo, des tendances antérieures à 2020, car confirmées par les recensements de l’Insee. Dans leur étude, les statisticiens constatent une progression de la « part de marché » du vélo, passé entre février 2015 et février 2020, de 2 à 2,9% des déplacements.