L’activité notariale profondément affectée par la crise sanitaire
Les offices notariaux n’échappent pas à l’effondrement général de l’activité induite par la période de confinement. Et si l’instauration provisoire d’un nouvel acte de «comparution à distance» permet désormais de conclure certaines opérations, il ne va pas radicalement changer la donne pour la profession.
«Nous avons enregistré une baisse de 80 % de l’ensemble de l’activité notariale sur la deuxième quinzaine de mars, et il semblerait que nous nous dirigions vers une diminution encore plus sévère qui pourrait atteindre plus de 90 % pour la première quinzaine d’avril», a déclaré le président du Conseil supérieur du notariat (CSN), Jean-François Humbert, le 7 avril dernier au cours d’un webinar sur l’incidence de la crise sanitaire sur l’activité notariale, organisé par le Club des juristes.
Une activité totalement sinistrée
Depuis la mi-mars, les offices notariaux sont fermés au public et le télétravail a été massivement déployé. Mais il n’y a pas assez de travail pour tout le monde. «Environ la moitié des salariés des offices sont en chômage partiel», a relevé Jean-François Humbert. Les signatures qui ne requièrent pas de déplacements ou de rencontres physiques sont maintenues (donations, contrats de mariage, hypothèques, ventes immobilières sur plan) : le client signe alors une procuration à distance, au profit d’un collaborateur de l’étude. Les autres signatures sont différées ou, si elles ne le peuvent pas, il revient alors au notaire d’apprécier si le déplacement du client est justifié par un motif familial impérieux.
Conserver ses forces vives pour la reprise
«Sur le mois de mars, 45 % des offices sont déficitaires», a-t-il poursuivi, et ce, alors que l’activité était encore normale sur les 15 premiers jours du mois. Ce qui laisse présager un mois d’avril très difficile pour la trésorerie des offices. Nombreuses sont celles qui ont déjà contacté des établissements bancaires pour solliciter des crédits de trésorerie. «Plus d’un notaire sur six a pris contact avec la Banque des territoires [groupe Caisse des dépôts]». La caisse de retraite des notaires a pris la décision de reporter le paiement des cotisations. Et les réserves financières des institutions de la profession vont être utilisées pour «venir en aide à toutes les études». Car il faut absolument que les études parviennent à maintenir leurs forces de travail pour la reprise : «il est important de préparer le rebond».
Les transactions immobilières à la peine
En matière immobilière, «nous sommes rapidement passés de 15 000 à 16 000 actes par jour à environ 2 500 à 3 000 actes par jour», a précisé Jean-François Humbert. En cause : l’impossibilité des vendeurs et des acquéreurs de déménager, de visiter, d’échanger les clefs, de faire procéder aux diagnostics techniques, ainsi que les incertitudes qui pèsent sur les emplois et le pouvoir d’achat des acquéreurs et leur impact sur l’octroi des prêts par les banques (qui ont depuis relevé leurs taux).
Autres freins : la délivrance des pièces administratives par les mairies, les services de publicité foncière ou du casier judiciaire… Autant de services administratifs dont l’activité a parfois été totalement suspendue avant de reprendre progressivement, souvent en mode dégradé. Au final, à l’exception de cas particuliers, tels que les acheteurs déjà locataires du bien (qui peuvent signer l’acte par procuration confiée à un collaborateur de l’étude), les transactions ont enregistré un brusque et net coup d’arrêt.
Signer par «comparution à distance»
Déjà très avancée dans le notariat, la dématérialisation de l’activité vient de franchir une nouvelle étape début avril avec la promulgation d’un décret autorisant la signature électronique de documents «par comparution à distance». Après l’acte authentique électronique qui existe depuis plus de 10 ans et représente plus de 90 % des actes notariés (l’acte est projeté sur un écran et signé par les parties sur une tablette électronique, chez le notaire) et l’acte à distance qui existe depuis un peu moins d’un an (les clients sont chacun chez leur notaire et signent l’acte à distance en visioconférence), la signature par «comparution à distance» permet au notaire, seul dans son étude, de lire l’acte par visioconférence et de le signer après avoir recueilli le consentement de ses clients.
Une solution qui était déjà à l’étude
Cette possibilité ne concerne que les actes «solennels», à savoir les ventes sur plan (ou VEFA), les donations et les actes d’hypothèque. Elle n’aura donc pas d’impact sur les ventes dans l’ancien. Près de la moitié des études sont déjà équipées du système crypté et agréé déployé par la profession, et toutes sont prêtes à le mettre à disposition de leurs confrères non équipés. Le notariat travaillait déjà sur cette solution de signature à distance bien avant la crise, qui en a donc précipité la mise en œuvre provisoire, pour une durée limitée à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Nul doute que cette période de test imprévue va contribuer à faire avancer ce projet de la profession.
Miren LARTIGUE