Transports
Les RER régionaux, solution périurbaine
Deux semaines après la promesse, par Emmanuel Macron, de créer des RER dans une dizaine de villes, Strasbourg a lancé son réseau express métropolitain, imaginé dès 2018. Les RER offrent une alternative à la voiture individuelle pour les déplacements vers les deuxièmes couronnes des métropoles.
A la gare de Lille-Flandres, les trains pour Tournai et Courtrai, villes de Belgique distantes d’une trentaine de kilomètres, sont relégués sur une voie éloignée. Rien n’indique au voyageur que le billet s’achète au distributeur des grandes lignes et non à l’automate des trains régionaux. Les trains circulent certes avec une régularité honorable, un par heure, et desservent également les gares de Roubaix et Tourcoing, en France, mais rien n’est fait pour donner envie de les emprunter. C’est tout l’inverse à Annemasse (Haute-Savoie). Les trains pour Genève partent tous les quarts d’heure. Les distributeurs dédiés au réseau genevois, appelé Léman Express, délivrent des billets permettant de voyager dans toute l’agglomération, en Suisse comme en France.
Au contraire de la métropole lilloise, l’agglomération genevoise est dotée depuis 2019 d’un « RER métropolitain », un réseau ferroviaire conçu à l’échelle de l’aire urbaine. Les trains y sont cadencés, c’est-à-dire qu’ils circulent à horaires fixes, toute la journée, et pas seulement aux heures de pointe, et traversent l’agglomération de part en part, sans changement à la gare centrale.
Les RER métropolitains, pratiqués en Allemagne sous le nom de S-Bahn, étaient encore méconnus du grand public français avant qu’Emmanuel Macron, le dimanche 27 novembre, n’annonce sur Youtube le lancement de ce service « dans dix grandes villes ». Hasard du calendrier, deux semaines plus tard, le premier RER métropolitain franco-français, celui de Strasbourg, entrait en service. 800 trains supplémentaires circulaient dans l’agglomération alsacienne, sur cinq lignes dont une proposant un service « traversant », de Sélestat à Saverne (Bas-Rhin). Après l’été 2023, ce seront mille trains de plus qui circuleront sur le réseau, promettant des trajets toutes les demi-heures, y compris en pleine journée, et même le week-end.
Le « Réseau express métropolitain européen » (Reme), tel est son nom, « est une réponse à la crise énergétique et au coût du carburant, et contribue à l’acceptabilité de l’ambitieuse zone à faibles émissions (ZFE) », explique Pia Imbs, présidente centriste de l’Eurométropole de Strasbourg. Le 1er janvier 2023, les véhicules les plus polluants ne pourront plus « circuler ni stationner » dans le périmètre de la ZFE strasbourgeoise.
Une salle trop petite
La présentation nationale du Reme était prévue, de longue date, à la Maison de la région Grand-Est, à Paris, le 7 décembre. « Quelques jours avant l’annonce du Président, le ministre des Transports, Clément Beaune, s’est invité », sourit un protagoniste. Le jour dit, la petite salle débordait d’invités. Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, osait même célébrer « un jour de fête, un jour de joie », alors qu’une grève d’une partie des contrôleurs perturbait ce jour-là la circulation des trains.
Soutien officieux de la majorité présidentielle, le président (LR) de la région Grand-Est, Jean Rottner, a souhaité que « les autres villes puissent s’inspirer de Strasbourg ». Le réseau strasbourgeois, fruit d’un accord conclu en 2018 entre la région et la métropole, qui financent ensemble son fonctionnement à hauteur de 15 millions d’euros, encourage tous ceux qui, dans les villes de France, bâtissent depuis des années des projets de RER métropolitains. A Rouen, Toulouse, Bordeaux, Lyon, des associations de citoyens, opposés aux contournements routiers, prônent l’optimisation des « étoiles ferroviaires », les réseaux qui s’étendent autour des villes. Depuis peu, des élus leur emboîtent le pas, mais le processus est long.
Outre l’accord de principe, pas toujours acquis, entre les collectivités, ces réseaux supposent parfois des travaux lourds. A Genève, c’est la construction, pour 240 millions d’euros, d’un tronçon ferroviaire reliant la ville suisse et Annemasse, qui a permis le lancement du Léman Express. A Strasbourg, rien n’aurait été possible sans l’aménagement d’une quatrième voie le long de l’axe à grande vitesse en direction de Paris, qui a coûté 117 millions d’euros. Dans le Nord, « il faudrait créer une nouvelle gare entre Lille-Flandres, gare terminus, et Lille-Europe, saturée », affirme Franck Dhersin, vice-président (droite) de la région Hauts-de-France, chargé des Mobilités, qui chiffre le coût d’un RER lillois à « 6 milliards d’euros ». Le RER « dans dix grandes villes » voulu par le chef de l’Etat requiert des infrastructures coûteuses. Or, « il n’y a pas d’argent magique », a rappelé Clément Beaune, lors de la présentation du réseau strasbourgeois, même si le gouvernement a dépensé, en 2022, 7,5 milliards d’euros en prime pour le carburant.
Tout ne coûte pas aussi cher. La création d’une billettique commune entre le train régional et les transports urbains ne nécessite pas d’investissements massifs. Elle existe dans les agglomérations de Grenoble depuis 1999 et de Strasbourg, depuis 2016. L’ajout d’horaires, et la « diamétralisation », c’est-à-dire la création de lignes directes, sans changement à la gare centrale, ne coûte que l’achat éventuel de nouvelles rames et l’aménagement de certaines gares. Le succès d’un RER métropolitain repose aussi sur une coordination du train avec les autres modes de transport, « les lignes de tramway et de bus disposant de couloirs réservés, les aménagements cyclables », explique Pia Imbs, à Strasbourg.
Enfin, si les S-Bahn circulant dans 25 villes allemandes, autrichiennes et suisses sont plébiscités dans leurs pays respectifs, c’est parce que ces réseaux sont identifiés comme tels, grâce à leur nom et à un logo unique. Hélas, à la gare de Lille Flandres, un panneau « RER direction Courtrai » n’est pas prévu de sitôt.