Municipales : un second tour inédit
Le second tour des élections municipales aura lieu le 28 juin prochain. Toutefois, ce scrutin reste soumis à de nombreuses conditions particulières qui le rendent inédit.
Un second tour très encadré
Le premier tour des élections municipales, le 15 mars, a permis l’élection de près de 85% des 35 000 conseils municipaux de France. Par un décret du 17 mars 2020, dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons, le gouvernement a pris la décision de reporter le second tour, initialement fixé au 22 mars (décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019).
Si les résultats du premier scrutin restaient acquis, la loi d’urgence sanitaire a toutefois prolongé le mandat des maires sortants, afin de palier l’impossibilité de réunir le premier conseil municipal pour l’élection du nouveau maire. Cette situation a plongé de nombreuses communes dans une période de grande instabilité favorisant les tensions. Certaines se sont retrouvées avec deux maires : l’un bientôt élu, et l’autre pas encore déchu. Cette problématique vient d’être résolue dans la grande majorité des communes par la récente tenue du premier conseil municipal.
Par un nouveau décret n° 2020-642 du 27 mai 2020, le second tour des élections municipales a été fixé au dimanche 28 juin 2020. Ce second tour se tiendra dans des conditions aussi spéciales que le premier. La circulaire n° INTA2007053C du 9 mars 2020, adressée à tous les maires de France, précisait un certain nombre de règles, toujours en vigueur pour le prochain scrutin. Entre les mesures générales qui s’y trouvent, le ministre de l’Intérieur recommande, notamment : le nettoyage complet du bureau de vote avant le scrutin (avec une attention particulière sur toutes les surfaces manipulées : poignées, stylos, urnes …), la mise à disposition d’un point de lavage des mains, ou, à défaut, du gel hydro-alcoolique à l’entrée et à la sortie du bureau de vote. Ou encore, les membres du bureau doivent éviter la manipulation des titres d’identité ; les bureaux de vote être aménagés de façon à limiter les situations de promiscuité prolongée (marquages au sol à chaque étape du parcours de l’électeur pour que soit conservée la distance minimale suffisante) ; les entrées et sorties, si possible, se faire en deux points distincts pour éviter les croisements des flux.
La circulaire du 9 mars 2020 précise aussi que «le port du masque chirurgical n’est pas recommandé sans présence de symptômes». On sait que depuis cette date, le gouvernement a beaucoup «cafouillé»… La question du port du masque se pose avec plus d’acuité aujourd’hui. D’autre part, elle se pose au regard du Code électoral qui précise dans son article L. 62 que «A son entrée dans la salle du scrutin, l’électeur […] fait constater son identité suivant les règles et usages». Or, un masque empêche clairement aux membres du bureau de vote de vérifier l’identité de son porteur. Des électeurs pourraient se servir de cette «zone grise» du droit pour frauder une ou plusieurs identités. Il reviendra le cas échéant au gouvernement de préciser ses instructions sur ce point.
Un second tour conditionné
La tenue de ce second tour reste conditionnée par deux évènements. D’une part, dans son avis rendu le 18 mai dernier, le Comité de scientifiques préconise de «tenir compte de la situation épidémiologique dans les 15 jours précédant la date décidée du scrutin ». Cette évaluation «pourrait alors motiver, selon les résultats, une nouvelle interruption du processus électoral». Un nouveau report du scrutin est donc toujours possible.
En réalité, le 27 mai dernier, le ministre de l’Intérieur a présenté en Conseil des ministres un projet de loi et un projet de loi organique qui anticipent ce scénario ne permettant pas la tenue du second tour le 28 juin. Ce projet de loi prévoit l’annulation pure et simple du second tour des élections et des résultats du premier tour dans les communes pour lesquelles un second est nécessaire. Dans tous les cas, selon ce scénario, l’élection régulière des candidats élus dès le 15 mars dernier reste toutefois acquise.
Des recours
D’autre part, de nombreux candidats malheureux ont initiés des recours devant les tribunaux administratifs pour demander l’annulation des opérations électorales. Certains de ces recours comportaient une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Les candidats estiment que l’article 19 de la loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 qui valide les résultats du premier tour serait inconstitutionnel. Le raisonnement est simple : le climat anxiogène dans lequel s’est déroulé le premier tour a entraîné une chute drastique de la participation (près de 20% de moins qu’en 2014) ; ces résultats ne reflètent donc pas avec sincérité le choix des électeurs.
Le Conseil d’Etat a transmis une de ces QPC au Conseil constitutionnel le 25 mai dernier, qui a théoriquement trois mois pour rendre sa décision. Toutefois, il devrait statuer avant la date fatidique du 28 juin. Si les sages annulent l’article 19 de la loi du 25 mars 2020 alors, l’entièreté des élections municipales sera annulée. Dans le cas contraire, les résultats du premier tour seront confirmés et le scrutin du 28 juin pourra normalement se tenir pour les communes qui organisent un second tour.
Nicolas TAQUET, juriste