Droit
Pour faire face à la crise du logement, les notaires veulent innover
Retour sur le 119e Congrès des notaires de France
L’ensemble des 13 propositions émises par les trois commissions de travail du 119e congrès des notaires de France ont été adoptées lors de leur présentation à la profession du 27 et 29 septembre, à Deauville. Des propositions autour du logement qui connaît actuellement une crise de l'offre et de la demande.
« Nous vivons une crise du logement, grave, importante, qui touche tous les secteurs, mais qui peut être une opportunité pour essayer d'apporter des innovations », a affirmé Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargé du Logement, présent au 119e congrès des notaires de France. Une crise de l'offre, présente depuis quelques temps, qui se couple, depuis peu, à une crise de la demande.
Une crise de l'offre à laquelle la première commission de travail a pu apporter quelques réponses avec quatre propositions pour développer cette offre de logement. La profession a, tout d'abord, adopté une proposition qui vise à « faciliter la délivrance des permis de construire », en généralisant la consultation préalable, afin d'éviter les recours par la suite. Ce qui pourrait, en conséquence, réduire les délais d'instruction des demandes de permis de construire.
Les notaires ont émis le souhait de « développer les partenariats entre le public et le privé, notamment par une simplification du droit de la commande publique ». Cette proposition devrait notamment permettre de faciliter la prise en compte des besoins des bailleurs sociaux lorsqu’ils achètent en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement).
Bureaux et pavillons, nouvelles sources de production de logements ?
Le secteur de l'immobilier a subit les effets du Covid et du développement du télétravail. Ainsi, les millions de mètres carrés de bureaux vides sont autant de m2 qui pourraient devenir des logements. Les notaires se sont donc emparés de ce sujet et ont proposé de « créer un régime de la construction réversible ».
Le tissu pavillonnaire est apparu comme une autre source de production de logements pour la profession. Elle a proposé de favoriser la mise en concordance des cahiers des charges de lotissement, documents contractuels privés et modifiables uniquement à l’unanimité, avec la réglementation d'urbanisme en faveur du logement.
Vers un statut fiscal du bailleur privé global, cohérent et attractif
Le statut du bailleur privé a été au cœur des propositions de la deuxième commission, toutes entendues par le ministre délégué au Logement qui « partage l'objectif final pour bien accompagner le bailleur », mais qui souhaite l'atteindre par « petites touches ».
La première proposition vise à « créer un statut fiscal du bailleur privé, global, cohérent et attractif » avec, entre autres, le choix laissé au bailleur d'opter pour le statut de loueur professionnel ou de particulier, et surtout, la fin du distinguo entre location nue ou meublée. Le statut de loueur immobilier professionnel ne serait donc plus réservé aux loueurs en meublé.
Pour en finir avec l'inégalité de traitement fiscal de la performance énergétique, les notaires ont adopté une proposition permettant d'étendre la possibilité d’imputer, sur son revenu global, le déficit de revenus fonciers provenant de la réalisation de travaux de rénovation énergétique aux logements loués meublés et logements neufs. Actuellement, cela est permis uniquement pour le parc locatif ancien loué nu, par la loi de Finances 2023.
L'axe solidaire a également été abordé avec une proposition adoptée pour « généraliser », par une simplification des conditions, le dispositif fiscal Loc'Avantages. Un dispositif, méconnu, favorable à la location sociale ou intermédiaire permettant aux propriétaires, qui ont signé une convention avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah), de bénéficier d'une réduction d’impôt.
Pour favoriser l'accession à la propriété, les notaires ont présenté une proposition pour « simplifier » deux des trois droits de préemption du locataire (celui résultant du congé pour vente et celui découlant de la vente d'un immeuble entier) et « supprimer le droit de préemption du locataire en cas de première vente après division ».
Maintenir dans le temps les décotes pour tous les modes d'accessions aidés
Par ailleurs, toujours dans cet objectif, les notaires veulent « pérenniser les décotes » dont bénéficient les premiers accédants dans les modes d'accessions aidés. Cette décote se faisant uniquement au profit du premier accédant, ce dernier peut réaliser d’importantes plus-values dès la première revente, au prix du marché. Ainsi, pour faire en sorte que le bien reste sur le marché du logement intermédiaire, les professionnels ont émis le souhait de créer un régime juridique commun à tous les modes d'accessions aidés (hors BRS, bail réel solidaire).
Protéger les logements des chefs d'entreprise et des aînés
Après l'accession, vient la protection. La troisième commission s'est intéressée à trois profils distincts : le chef d'entreprise, les aînés et la famille. Pour le chef d'entreprise, les notaires ont adoptée une proposition visant à « étendre aux dirigeants de sociétés le bénéfice de l’insaisissabilité automatique de la résidence principale », une protection déjà mise en œuvre pour l'entrepreneur individuel.
Pour le logement des aînés, la monétisation de l'immobilier apparaît comme un levier pour le financement de la dépendance, notamment à travers la solidarité familiale. La profession a émis le souhait de « repenser les solutions viagères dans le cadre familial ». Tout d'abord, les notaires ont proposé la modification de la nature de la présomption, dans l’article 918 du Code civil. Mais aussi, d'élargir le champ du prêt viager hypothécaire (PVH), qui n'a pas rencontré le succès escompté, à tout bien immobilier, quelle qu'en soit la destination. Concernant le logement de la famille, les notaires ont émis le souhait de rétablir l'esprit de l'article 215 - alinéa 3.
Chloé GUEROUT
La rénovation énergétique, un sujet central
La rénovation énergétique du logement s'est invitée comme sujet majeur de ce congrès, mis en avant par Sophie Sabot-Barcet lors de la séance solennelle et par Patrice Vergriete. « La transition écologique n'est pas une option », a martelé le ministre délégué au logement. Il a par ailleurs indiqué que le report de l'échéance de l'interdiction de mise en location des logements énergivores (classés G), dès 2025, n'était pas envisagé.
Alors que l'on compte 5,2 millions de passoires énergétiques (logements classés G ou F) en résidence principale en France (soit 17% du parc), les notaires ont présenté une proposition sur l'accélération de la rénovation énergétique des copropriétés. Ainsi, la profession a apporté des solutions de financement de ces travaux coûteux grâce au tiers financement, soit par les baux réels (réhabilitation et solidaire), soit par les contrats de performance énergétique (CPE). Cela permettrait aux copropriétaires d'avoir une solution clés en main proposée par un groupement d'opérateurs, qui assure les résultats, avec un financement étalé dans le temps.
Cette proposition commune aux trois commissions sera, comme toutes les autres, soumises aux pouvoirs publics.