Régularisation d’une demande de licenciement d’un salarié protégé : mode d'emploi

Dans un récent arrêt, le Conseil d’Etat admet la possibilité, pour l’employeur, de régulariser une demande de licenciement d’un salarié protégé qui aurait été présentée par une personne n’ayant pas compétence à cet effet.

(c) adobestock
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La protection particulière des salariés investis de fonctions représentatives

En vertu des dispositions du Code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est accordée après la procédure contradictoire prévue à l’article R. 2421-11 du même code, au cours de laquelle tant l’employeur que le salarié peuvent faire valoir leurs observations.

Les motifs de licenciement sont classiques : faute, motif économique, inaptitude … Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si « les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ».

Dans tous les cas, pour d’évidentes raisons tenant au principe de non-discrimination syndicale, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, « il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ».

Sur la base de ces observations contradictoires, l'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Le silence gardé pendant plus de deux mois vaut décision de rejet.

C’est à l’employeur de demander l’autorisation

Dans un arrêt du 16 décembre 1988, le Conseil d’État avait jugé que « les demandes d'autorisation de licenciement pour motif économique adressées au directeur départemental du travail et de l'emploi doivent être formulées par l'employeur ; qu'une décision d'autorisation de licenciement n'est donc légale que si la demande a été présentée par l'employeur lui-même ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom » (CE, 16 décembre 1988, N° 74120).

Dans un arrêt du 3 avril dernier*, le Conseil confirme et précise ce point, en estimant qu’« il appartient à l'inspecteur du travail compétent de vérifier la qualité de l'auteur de la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé qui doit être l'employeur ou une personne ayant qualité pour agir en son nom et habilitée à mettre en oeuvre la procédure de licenciement ».

Et dans cette affaire, c’est le directeur général (DG) d’une association qui avait demandé l’autorisation de licenciement. Problème : d’après les statuts de l’association, le DG n’avait aucun pouvoir en ce sens, seul le président pouvait faire la demande. De plus, aucune délégation de pouvoir ou de signature n’avait été accordée au DG, en matière de licenciement des salariés protégés. Le Conseil d’Etat confirme donc la décision de la Cour administrative d’appel qui avait annulé l’autorisation de licenciement.

Une possibilité inédite de régularisation

Mais là ou cette décision de la Haute Juridiction administrative est intéressante, c’est qu’elle permet, de façon inédite car dans le silence des textes, de régulariser une demande faite par une personne n’ayant pas compétence à cet effet.

Le Conseil d’Etat juge en effet que : « lorsque la demande d'autorisation de licenciement a été présentée par une personne n'ayant pas qualité pour agir au nom de l'employeur, elle peut être régularisée au cours de son instruction par la production de tout acte ou document, régulièrement établi postérieurement à la saisine de l'inspecteur du travail et avant que celui-ci ne statue, donnant pouvoir au signataire de la demande d'autorisation pour mettre en œuvre la procédure en cause ».

Ainsi, des demandes de licenciement formulées par des personnes « incompétentes » à cet effet peuvent être régularisées entre la date de la demande et jusqu’à celle de la décision de l’inspection du travail. Cette régularisation peut prendre la forme d’une délégation de pouvoir ou de signature accordée par la personne habilitée à intervenir, au signataire de la demande.

* CE, 3 avril 2024, N° 470440, B